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1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 13:45

Il y a quelques années, ce devait être en 1995 ou 96, un grand Cheikh ministre d'Etat m'a invité en son pays pour donner des cours de méthodes d'éducation active, dans une grande université des Emirats Arabes Unis.

Accueilli en grande pompe à l'aéroport flambant neuf et majestueux, puis conduit en limousine noire avec chauffeur en uniforme blanc immaculé, je fus logé royalement dans une suite d'un hôtel 5 étoiles presque, aussi pompeux...

Le lendemain de bonne heure, la limousine et son chauffeur m'attendaient pour me conduire à l'Université où un jeune et beau Doyen m'attendait sur le perron en compagnie d'un véritable comité d'accueil, gros bouquet de fleurs magnifiques et invitation à prendre le thé à "la british way", SVP, ...(pendant mon séjour, on m'en fit consommer à tout bout de champ)....

Ma première conférence eut lieu dans un magnifique amphi bourré d'étudiants élégants, propres, attentifs et respectueux, parmi lesquels aucune fille ne figurait... Je compris que cette université n'était fréquentée que par des garçons...

Je me trompais en fait, car le chef de département des sciences de l'Education, présent à mes cotés sur la chaire que j'occupais, me félicita chaudement à la fin de l'entretien que je provoquai avec les étudiants pour contrôle et feed-back, et me pria de "bien vouloir prendre le thé en son bureau, avant de refaire ma conférence pour une présence féminine"...je ne pipai mot, mais je n'en pensai pas moins concernant cette discrimination doublée de perte de temps et d'énergie...

Une demie heure plus tard je me trouvais dans un autre amphithéâtre, face à un aréopage exclusivement féminin en tenue blanche immaculée, aux visages totalement découverts, des yeux d'une beauté étrange et des cheveux partiellement recouverts de beaux foulards chatoyants...

Et avant de rééditer ma conférence, je pris la liberté de m'étonner de cette étrange discrimination entre les deux sexes dans un Etat "moderne" dont les routes, immeubles et jardins fleuris à tous les nombreux ronds points, feraient pleurer de jalousie, nos plus belles villes de Tunisie, où pourtant la mixité à tous les niveaux était de rigueur...(c'était bien avant que l'astre luisant (sic), ne nous grimpe sur le dos; tala3a al badrou 3aleina)...

A la fin du cours qui eut grand succès, je fus assailli par mes étudiantes d'un jour qui voulaient absolument tout savoir sur la mixité scolaire tunisienne...et qui voulaient surtout que j'en parle à leurs doyen et directeurs de départements... Je n'en avais aucune envie...et je n'en eu nul besoin, puisque le lendemain mon amphi était miraculeusement mixte... quoique les rangées de ses pupitres étaient occupées à droite par les filles, à gauche par les garçons, la direction de l'institution ayant eu vent de mon étonnement de la veille, et satisfaite de mes prestations pédagogiques, avait décidé de me faire une fleur...

Encouragé par cette petite ouverture, tout souriant, je menaçai mon auditoire de ne plus ouvrir la bouche avant de voir quelques garçons, muter de leur rangée; et quelques filles de les imiter, en allant s'asseoir dans la rangée des garçons...et devinez quoi ? Après quelques secondes d'hésitation, c'est une dizaine de filles rigolardes qui se rua sur l'autre rangée, où les garçons figés de stupeur hésitaient encore... Il fallut une minute de plus, pour que "ma petite révolution" ait lieu et que j'obtins des rangées mixtes, qui du coup devinrent moins figées, plus souriantes...et à peine moins attentives à ce que je débitais sur les méthodes d'animation des cours... de formation de formateurs...

Je m'attendais à ce que mon séjour dans cette université soit écourté aussitôt que mes frasques fussent connues en haut lieu...il n'en fut rien, je continuai à dispenser non seulement des cours magistraux, mais aussi quelques travaux dirigés et d'autres pratiques, avec des garçons comme étudiants cobayes, ayant pour enseignantes stagiaires des filles enthousiastes et débridées, sous mon contrôle permissif...

Je ne sais pas si ce "greffon" de mixité estudiantine, donna des bourgeons après la fin de ma mission ponctuelle (cela m'étonnerait quand même un peu), mais je m'en serais voulu de ne pas avoir essayé de déranger cet esprit rétrograde au moment où j'en avais eu l'opportunité... Ce qui confirme mon scepticisme quant à la prise de greffe, c'est que contrairement à ce qui était prévu, on s'abstint de m'inviter de nouveau dans les universités de ce pays...

Entre nous, je le regrette à peine...la discrimination sexuelle nous a rejoints ici, nous n'avons presque plus rien à envier aux Pays du Golfe, en dehors de leurs routes et autres nombreuses infrastructures exceptionnelles...

Quant à leurs tares, elles sont ici, en voie d'assimilation quasi-générale...en ce nouveau Tunistan./.

J

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